Mercredi 10 janvier 2018, par Didier Béclard

Voyage dans des mondes flottants

Monté pour la première fois au théâtre, « Quelques rêves oubliés » de l’auteur japonais Oriza Hirata propose un voyage onirique tsubtil dans les étoiles, à bord d’un train.

Dans le noir, un martèlement métallique scande le bruit du rail. Tout se déroule dans la pénombre d’un train qui roule dans la nuit, on ne sait pas vers où ni si le voyage durera longtemps. Trois personnes sont à peine éclairées par une lampe de lecture placée au dessus de leur siège. Peu à peu, on découvre Yuko,une ancienne chanteuse populaire, la « Marilyn japonaise », Kiwako, son assistante que l’on pourrait prendre pour sa servante et Yasui, son manager qui a aussi un temps partagé la vie de la chanteuse.
Ils devisent de choses et d’autres pour faire passer le temps. D’apparence anodine, superficielle parfois, la conversation aborde avec beaucoup de légèreté certains sujets graves, ou avec sérieux des thèmes plus futiles. Au gré des mots égrenés et des silences, les personnalités se révèlent en tentant de sortir de l’ennui qui les enveloppe, une image du monde se dessine, les humeurs se développent, les renoncements affleurent. L’ambiance est aussi énigmatique que celle du film « Stranger Than Paradise » de Jim Jarmusch. Des effets lumineux et sonores appuient le côté onirique de ce voyage dans un monde inconnu.Entre réalité et rêve éveillé, « Quelques rêves oubliés » nous transporte dans un espace semi-public, « dans ces mondes flottants, ces lieux où des choses étranges peuvent survenir. »
Pour monter ce texte tout en délicatesse d’Oriza Hirata, une des figures les plus reconnues du théâtre contemporain japonais, la metteuse en scène Camille Panza a été inspirée par la nouvelle de Kenji Miyazawa, « Le train de nuit de la voie lactée ». Première adaptation en français, la pièce a été créée lors d’une résidence à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon et présentée au Japon avant d’arriver à Bruxelles. Lors des premières représentations, surtitrées en japonais, la traductrice n’arrivait pas à suivre le débit des comédiens. Elle leur a donc imposé un tempo plus posé, qui donne aux personnages une présence étrange mais sans artifice.
Camille Panza développe également ici une nouvelle écriture scénique qui utilise des objets plastiques et lumineux. Les dispositifs sonore et lumineux très élaborés (comme, par exemple, des miroirs fixés sur microprocesseurs qui leur imprime des mouvements aléatoires ou déterminés) occupent une place centrale à l’égal des comédiens (Gwen Berrou, Aurélien Dubreuil-Lachaud et Pauline Gillet Chassanne), pourtant très présents et justes dans leur jeu. Le jeu d’ombre et de lumière déforme la perception du spectateur plongé dans un univers étrange où les étoiles et le cosmos sont omniprésents.

« Quelques rêves oubliés » d’Oriza Hirata, mise en scène de Camille Panza, jusqu’au 13 janvier au Théâtre 140 à Bruxelles, 02/733.97.08, www.le140.be.