Mardi 8 mars 2016, par Isabelle Plumhans

Up les coeurs !

Festival. Un mot beau comme une fête. Un mot qui invite. A la rencontre, à l’émotion, à la curiosité. Alors qu’avec le printemps qui revient, il se fait espèce en voie d’apparition, focus sur un des premiers d’une longue liste, incontournable biennale belgo-circassienne : le Festival Up !

J’ai six ans. Mes grands-parents, assis à la table du salon, inspectent minutieusement le programme du festival de Spa, incontournable étape des théâtreux de ma région. Il y a de la fièvre, de l’amusement, du plaisir, les arguments pour et ceux contre dans ce choix. Il y a les conversations, liste de l’un, liste de l’autre, puis celle aussi des amis qui partagent avec eux l’amour de la chose théâtrale. Il y a forcément des spectacles supprimés de ces listes, et ceux qui s’y inviteront in extremis. Pour, au final, constituer « leur festival » - leurs émotions à venir, rires et larmes, et leurs rencontres aussi.

Ces palabres programmationnels seront, à l’arrivée des beaux jours, pour mes grands-parents, chaque année réitérés. Parce que le festival est un rendez-vous. Qu’on attend, impatiemment. Le retour d’une époque. Qui nous fait de nouveau sortir de chez nous, aller au devant des autres, personnes et personnages. Qui met en relation, même quand ce n’est qu’avec la fugacité propre au spectacle. Et il y a dans ce moment un peu d’envie d’autre chose, beaucoup de fièvre découvreuse, et surtout, la certitude de rencontres à venir qui feront du bien. Parce que le retour du (des) festival(s), c’est l’hiver qui se barre et les beaux jours, meilleurs, plus culturellement plein, musique, théâtre et le reste, qui arrivent. Une fête, belle et heureuse.

Festif festival

« Up ! », c’est le premier d’une longue liste de ces rendez-vous. Et celui qui fut autrefois une « Piste de Lancement » - Up !, plus court et efficace, n’est son nom que depuis 2014, ndlr - en est déjà à sa quatorzième édition. Sous forme de biennale désormais. Histoire de s’atteler deux années durant, pour ses organisateurs, correctement, longuement, à la programmation d’un événement majeur - de renommée et de participation internationales - dans le paysage circassien. Un place to be du cirque, comme l’entend Catherine Magis, « Madame Espace Catastrophe » à l’initiative du festival. Et une méga fiesta, aussi, forcément, avec des espaces dédiés à la fête post-spectacle, chapiteau du tout neuf Espace Victoria, à Molenbeek, ou foyer prêté du National (lors de la clôture d’XS) en tête.

Neuf et multiple

Par contre, point de tigres sous chapiteau ou de tutus sur trapèze au programme ici. Ou alors, ils le sont nouvelles versions et modernes réinterprétations. Parce que le cirque nouveau mis à l’honneur lors de cette biennale est fait de nouvelles formes, de nouveaux langages. Il est cirque qui, se créant, invente en même temps son vocabulaire. Il est cirque d’expérimentation. Il est cirque qui prend le temps de sa mise en place, conceptions et répétitions. Fini les recettes éculées, le temps est à l’imagination, et, surtout, aux grands mix. Danse, mots et musiques s’accoquinent de fils de fer, contorsions et jongleries. Si les couteaux volent dans l’air, c’est au son de notes choisies, lumières esthétisantes et scénographie ultra-léchée en prime. Le spectacle est total.

« Les formes de spectacles sont de plus en plus variées. Ce n’était dès lors pas toujours adéquat de continuer, pour ces formes, à recréer des structures scéniques sous chapiteau, souligne par ailleurs Catherine Magis. Et c’était important de donner des moyens à la création circassienne. »

Donner les moyens à la création circassienne, c’est, alors, dans le chef du Up !, voir de nouveaux lieux s’ouvrir à elle. Des lieux jusque-là rarement investis par les artistes circassiens. Des lieux autrefois limités à la création théâtrale pure. Des théâtres de la capitale, donc : National, Varia, Marni, Vénerie, 140 ou Wolubilis, pour n’en citer que quelques uns de cette édition.

Essaimer pour mieux charmer

Le coup de pouce est alors double. Il est celui de la reconnaissance, d’abord. Celle qui fait le cirque s’établir officiellement dans des lieux classiques. Reconnaissance des pairs, donc. Mais s’établissant dans ces lieux, il s’invite, aussi, dans leur programmation. (Re)connaissance du public, dans ce cas. Car qui dit inscription dans la programmation d’un lieu, dit intégration à la cohérence de cette programmation. Alors, les spectateurs de tels ou tels lieu, rassurés de la sélection de « leur » lieu, iront voir du cirque. Aussi. Par là, le festival, année après année, s’attire l’adhésion de nouveaux publics, toujours plus variés. Largement - le taux de remplissage des salles montant parfois jusqu’à 95 % - et ce de façon pérenne puisque, comme l’affirme Catherine Magis avec un plaisir non dissimulé : « quand on y a mis un pied, on revient, c’est certain. »

Ce mouvement d’ouverture des lieux classiques, la programmatrice le souhaitait d’ailleurs depuis son retour de Montréal en 1995 - où elle a suivi, après sa formation en Belgique, un programme de spécialisation à l’Ecole Nationale de Cirque, quand elle créait l’Espace Catastrophe, lieu d’expérimentations, de rencontres et d’ouverture. Pour que soit reconnu le cirque, mélange d’émotions et de techniques, de langage corporellement virtuose et de dialogues expressivement muets, comme un art à part entière. Et pour qu’il vive, encore, toujours renouvelé. Un mouvement qu’elle a, apparemment, impulsé à la création circassienne en plat pays. Et au-delà, aussi. Un mouvement à accompagner durant ces douze jours de festival. Et pour le cirque, Up, Up, Up, hourra !

Isabelle Pluhmans

NOTRE SÉLECTION

All the fun

Cie Ea Eo (FR et BE)

De la danse, du mouvement, et un humour verbeux et absurde.

Aux Halles de Schaerbeek, les 09/03 et 11/03 à 20h30 ; le 10/03 et 12/03 à 19h (50’)

En savoir plus »

A nos fantômes

Menteuses Cie (BE)

Sur le fil, et la balance/balançoire, poétique et féminin.

Au National, les 18 et 19/03, 21h (20’)

En savoir plus »

Al Cubo

Compagnie BettiCombo (FR)

Trio musico déjanté, seaux compris.

Au Théâtre Marni, le 09/03 à 17h et le 10/03 à 21h (60’)

En savoir plus »

Jet Lag

Compagnie Chaliwaté (BE)

Scénographie construite et ultra esthétique, où il est question d’avion, d’aéroport. Et de rythmes et d’émotions.

Au centre Culturel Jacques Franck, le 17/03 à 21h (60’)

En savoir plus »

HOM(M)

Jongloïc Company - Loïc Fauré (BE)

L’enfermement volontaire pour libérer les désirs, vu par Loïc Fauré, techniquement impeccable.

Au centre Culturel Jacques Franck, le 19/03 à 15h (55’)

En savoir plus »

Festival Up !
Du 8 au 20/03 @ Bronks, Centre Culturel Jacques Franck, Halles de Schaerbeek, La Vénerie, Maison des Cultures de Molenbeek, Théâtre Varia, Théâtre Marni, Théâtre 140, Théâtre National, Wolubilis, sous chapiteau dans le parc Victoria et en espace public Place Sainte-Croix et Place du Temps Libre (Wolubilis) | Infos et réservations : www.cirk.be

Festival XS
Les spectacles du Festival Up ! présentés au Théâtre National le seront dans le cadre de son festival des petites formes : le Festival XS. Un festival pluridisciplinaire - théâtre, danse et cirque - de spectacles de 5 à 55 minutes, concentré sur 2 jours. Un festival qui se clôturera en fête - celle aussi, presque, de la fin du Festival Up ! A deux, c’est mieux, non ?
Festival XS, du 17 au 19/03 @ Théâtre National | Infos et réservations : www.national.be