Vendredi 28 septembre 2007, par Jean Campion

Quand les jeunes s’en mêlent

Anne a réussi à convaincre sa mère Irène d’inviter à dîner son ex-époux Emile, afin que ses parents réapprennent à se parler, alors qu’ils ne se sont plus rencontrés depuis quinze ans. Simplement pour faire bonne figure lors de son prochain mariage avec Philippe. Pierre , le frère d’Anne, trouve cette initiative ridicule et menace de boycotter les retrouvailles conjugales. C’est dire que le repas de famille risque d’être électrique.

Il l’est au début, mais ne tourne pas au grand lavage de linge sale. On a à faire à des personnages lucides, qui recherchent l’harmonie. Ainsi Pierre s’offre le plaisir de dire ses quatre vérités à chacun, mais n’est pas dupe de son rôle d’accusateur public. Il le joue d’ailleurs costumé en marié. "Comme dans un jour de carnaval, tout est permis derrière le masque." (J. De Dekker) et aucune de ses victimes ne lui renvoie la balle.

La tension retombée, les différents échanges vont faire apparaître les contradictions assumées par chaque membre de la famille. Emile reconnaît sa lâcheté, plaide coupable, mais se réjouit sans complexe de devenir grand-père et de veiller sur le retour tardif de son fiston. Irène ne souhaite pas revoir son mari (Son arrivée la fait même fuir !), mais elle ne lui adresse aucun grief. Bien au contraire... Quant à Anne, elle épouse Philippe par amour, mais admet que la sécurité matérielle, garantie par un mari médecin, lui est indispensable.

Mise à part la scène d’exposition laborieuse et étirée (l’exhibition du casque est bien longue et les commentaires sur le match de hockey peu passionnants), les dialogues sont alertes, truffés de formules percutantes mais parsemés aussi de répliques qui déçoivent par leur lourdeur pédagogique. La netteté avec laquelle Anne analyse la crise économique qui couve ou les problèmes psychologiques de sa mère ou de son frère nous persuade que la grande distinction qui a couronné ses études de sociologue n’était pas volée. Elle reflète une tendance qui s’est amplifiée au début des années 80. On aimait de plus en plus se raconter, fréquenter un psy. D’où la création de " personnages susceptibles de bien verbaliser ce qu’ils avaient à dire, tout en restant perplexes. " (J. De Dekker) et la nécessité de les maintenir dans ces années-là. Une série d’accessoires (disques vinyls, téléphone à fil,...) nous confirme le parti pris.

Ce regard dans le rétroviseur nous intéresse moins que la petite musique des personnages qui abordent un nouveau tournant dans leur existence. Comme Philippe, qui passe avec succès son baptême familial, nous les apprivoisons grâce à leurs gestes, leurs paroles mais aussi leurs silences. Le non-dit est fort important dans ces révélations par petites touches. Et notre désir de nous interroger sur leur passé et leur avenir est renforcé par la précision de la mise en scène et la maîtrise des acteurs qui incarnent avec justesse les membres de cette famille en cure.