Poquelin II

Bruxelles | Théâtre | Théâtre Les Tanneurs

Dates
Du 21 au 24 octobre 2020
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Les Tanneurs
Rue des Tanneurs, 75 1000 Bruxelles
Contact
http://www.lestanneurs.be
info@lestanneurs.be
+32 2 512 17 84

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Poquelin II

« Je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, accuser les Destins, et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde », écrivait Molière (La Critique de l’École des Femmes, scène VII). Raison suffisante pour qu’une équipe d’acteurs pur-sang, au talent incroyable, se replonge dans l’œuvre de Molière et en distille un spectacle. Au programme, Le Bourgeois gentilhomme (1670), une pièce dans laquelle Molière raille les bourgeois qui tentent d’imiter la noblesse et L’Avare (1668), une tragi-comédie sur l’avarice, l’avidité de pouvoir, la cupidité, la vérité, le mensonge et le conflit de générations. Mais aussi une merveilleuse métaphore de la crise bancaire. Amourettes, déguisements, exagérations, rideaux de scène, grossièretés… vous retrouvez tous les délicieux ingrédients d’une comédie désopilante à l’ancienne et ce qu’en fait tg STAN est tout simplement hilarant.

Distribution

Texte Molière (L’Avare et Le Bourgeois Gentilhomme)
De et avec Jolente De Keersmaeker, Damiaan De Schrijver, Els Dottermans, Bert Haelvoet, Willy Thomas, Stijn Van Opstal, Frank Vercruyssen
Lumières Thomas Walgrave
Costumes Inge Büscher
Décor tg STAN

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Jeudi 22 octobre 2020, par Martin Edgar

Molière à la saveur tg STAN

Il ne faut certes pas s’attendre, avec le tg STAN, à une adaptation classique de l’Avare et du Bourgeois Gentilhomme de Molière : d’avance on sait que les joyeux lurons et comédiens immenses du collectif flamand vont servir ces textes classiques à leur sauce : impertinente, inventive, détonante. Et surtout en laissant une place centrale, par l’interprétation du texte, au déploiement du jeu d’acteur. C’est peu de dire que l’on n’est pas déçu !

Reprenons la genèse. Le collectif tg STAN se forme à la fin des années 80, fondé par Jolente De Keersmaeker, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen – qu’on retrouve dans Poquelin II – à la sortie du Conservatoire d’Anvers. Leur credo est d’appliquer un fonctionnement collectif total dans chaque prise de décision et de mettre en lumière le comédien dans sa force de création et d’interprétation : la démocratie et l’invention au pouvoir ! Dans le répertoire pluriel du tg STAN, on avait déjà vu apparaître Molière avec Poquelin en 2003. Quelques années plus tard, et après une création en néerlandais, Poquelin II est adapté dans sa version française, et joue sa première belge au Théâtre des Tanneurs.

La pièce, maintenant. Partant des textes de l’Avare et du Bourgeois Gentilhomme, joués tour à tour sur le même espace relativement nu (une estrade en bois sur et autour de laquelle gravitent les comédiens), la trame de Molière trouve une vibration nouvelle dans le verbe et la verve du tg STAN. Ici, l’on grossit les traits des jeux d’amour, les quiproquos, les caractères. L’avarice d’Harpagon (Willy Thomas) et le ridicule Monsieur Jourdain (Damiaan De Schrijver) se voulant noble sont accentués à l’extrême, rendant les intrigues à la fois cousues de fil blanc et désopilantes. Ce sont des éléphants dans des magasins de porcelaine, mais des éléphants distillant avec un rythme grandiose les saillies verbales de Molière et revisitant sa force comique à partir de la matière vivante du texte. Il faut voir le monologue de la cassette ponctué de grands gestes, la dérision des révélations avec ses grands "oh", ses gros "ah", ou le défilé farcesque des professeurs se jouant de la crédulité du bourgeois arriviste... Le grotesque trouve une plus belle expression encore par le truchement des costumes, mi-kitsch mi-absurde, et le jeu autour du français ancien dont on s’amuse des difficultés et des faux rythmes.

Le jeu, surtout ! C’est là le sel de ce spectacle : s’appropriant ces deux pièces classiques et leur portée burlesque, la place centrale est laissée au comédien. Et chacun, chacune sur cette estrade en bois semble prendre un malin plaisir à revisiter Molière, ses conflits verbaux, ses transitions exagérées, ses coups de théâtre. Poussés à leur paroxysme, les personnages caractérisés s’amusent d’eux-mêmes, et par là ce sont les comédiens qui s’amusent dans le jeu. Rayonnants, créatifs, extravagants, ils se partagent la scène avec une joie déjantée pour prendre et décaler la mesure du texte dans une liberté qui fait plaisir à voir. L’arrivée du consul turc et le mariage dansant illustrent bien cela : la comédie prend son élan sur le texte pour s’envoler à la faveur du jeu des comédiens, s’amusant de la langue et du théâtre de Molière.

Théâtre Les Tanneurs