Mademoiselle Julie

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 7 au 19 novembre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre des Martyrs
Place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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Nombre de votes: 1

Mademoiselle Julie

CORRIDA SCANDINAVE
« Mademoiselle Julie est folle, complètement folle ». Dès le début de la pièce, nous voilà avertis.
Ce qui intéresse le metteur en scène Gian Manuel Rau, ce n’est pas la différence de classe qui pervertit la relation de la demoiselle et du valet qu’elle cherche à séduire : « Ça c’est un prétexte dramaturgique et le cauchemar autobiographique de l’auteur, écrit-il, le vrai drame est qu’une jeune femme essaie de vivre, malgré les interdits de toutes sortes, et qu’elle est ne pourra choisir que sa propre mort. C’est ça le conflit de la pièce : une jeune femme psychiquement malade, à qui on ne dit pas comment vivre et comment procéder dans l’amour. Et qui apprend toute seule. Julie est une orpheline métaphysique. Julie est une punk, fragile ; où la souffrance est clandestine et les larmes cachées. »
Le spectacle est né d’une rencontre. Celle de Gian Manuel Rau et de Berdine Nusselder, une actrice à la beauté fragile et mutilée, capable de s’abandonner aux multiples facettes du rôle.
Avec Roland Vouilloz et Caroline Cons, elle forme une distribution rêvée pour ces personnages sans passé qui vivent de l’histoire qu’ils énoncent. Des acteurs d’instinct, maîtrisant le staccato et les nuages dans la pensée. Et de nous offrir un voyage intime et profond, monstrueux et poétique, tendre et maladroit.
Un théâtre qui suggère plus qu’il ne signifie, qui travaille sur l’invention perpétuelle. Staccato, souffle, nuage entre les notes, c’est entre les lignes que tout se joue.

Distribution

JEU Caroline Cons, Berdine Nusselder, Roland Vouilloz
SCÉNOGRAPHIE Anne Hölck
COSTUMES Gwendolyn Jenkins
SON Bernard Amaudruz, Graham Broomfield, Manu Rutka
TRADUCTION Laurence Calame, François Chattot, Matthias Langhoff, Philippe Macasdar, Nicola Rudnitzky, Martine Schambacher
MISE EN SCÈNE Gian Manuel Rau
PRODUCTION Théâtre de Carouge - Atelier de Genève

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1 Message

  • Mademoiselle Julie

    Le 9 novembre 2017 à 09:50 par mauvever

    Très beau spectacle aux Martyrs ,dommage que le public n’était guère nombreux.
    Julie jeune femme tourmentée ,superficielle ,en recherche d’amour,où son questionnement est omniprésent ,sans réponse,elle va donc apprendre sur le tas,c’est une pièce assez complexe où la différence des classes joue un grand rôle,où le valet devient l’ amant de Julie jeune et belle aristocrate ,à ce moment tout bascule ,le valet devient dominant,le tout sous le regard de la cuisinière un peu sorcière et fiancée de Jean le valet.C’est très bien joué ,la mise en scène est remarquable,et ne boudons pas notre plaisir la plastique de Julie vaut le détour à elle seule.
    De l’excellent théâtre .Bravo
    Mauvevert

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Dimanche 19 novembre 2017, par Dominique-hélène Lemaire

CORRIDA SCANDINAVE

Mademoiselle Julie

Théâtre de la cruauté : tous les écrits de Strindberg témoignent de sa vie et portent la trace de ses crises, de ses combats, de ses révoltes contre une société au conformisme rigide qu’il exècre et qu’il dénonce. Né en 1849, dans un milieu petit bourgeois, il perd sa mère atteinte de tuberculose à treize ans et souffre du remariage d’un père autoritaire avec la gouvernante des enfants, Emma Charlotta Peterson dont il a un fils, Emil. Il devient auteur de théâtre après avoir échoué dans la carrière de comédien. Sa jalousie féroce envers sa première épouse, la baronne Siri Von Essen sera à l’origine de ses premiers délires paranoïaques. Marié et divorcé trois fois, il doit travailler beaucoup pour assurer la subsistance des enfants qu’il a de chacun de ses mariages. Névrosé, champion de misogynie, ses relations avec les femmes sont terriblement conflictuelles. Toute sa vie il luttera contre ses fantômes pour extraire de son être, une œuvre noire qui nous dit sa détresse intérieure.

Mademoiselle Julie (Fröken Julie) (1888)  : comme il est dit dès le début du texte :
« Mademoiselle Julie est folle, complètement folle ».Nous voilà avertis !
Midsummernight’s Nightmare : De Zola à Munch, tout se passe dans la cuisine du château. On y découvre une trinité infernale qui incube pendant la nuit des feux de la Saint Jean. Christine (une formidable Caroline Cons), la cuisinière - figure iconique de la représentation de la femme traditionnelle - assiste, pleine de réprobation divine et silencieuse, à la fulgurante passion entre Julie, sa maîtresse et Jean, son fiancé. Une confrontation violente du masculin et du féminin, de la noblesse et des manants. Ambiguïté : ne fait-elle-même un rêve ? On la voit dormir et marcher comme une somnambule…
La présence des bottes noires du terrible père dans la cuisine 19e suggère son absence et sa personnalité pesante. L’absence d’une mère se fait encore plus flagrante au cours de l’action traversée par la puissance onirique. Punk déboussolée, la fantasque et fascinante Julie débarque et se jette à la tête du valet, qui se voit incapable de résister au feu de l’amour-haine de la jeune tentatrice et obéit à ses caprices. La belle excuse, il a essayé maintes fois de la dissuader ! Mais il finit par avouer qu’il convoite depuis de nombreuses années la jeune comtesse. Est-ce de l’amour ou un moyen de monter dans l’échelle sociale ? Le jeu de L’excellent Roland Vouilloz est particulièrement ambigu et crédible. L’acte sexuel dans une soupente éclate en mille explosions sonores dévastatrices. Symbolisme : on assiste au meurtre prémonitoire de l’oiseau de la jeune aristocrate tandis que Jean ne cesse de se laver les mains… Rêve de pureté - le plus beau passage - lorsque Jean lave le visage de Julie avec immense douceur, seul répit de la pièce. Est-il vraiment dévoré d’ambition ? Peut-il vraiment emmener Julie, au lac de Côme et recommencer une nouvelle vie grâce à la cassette de la fille du Comte qu’il installera derrière le comptoir ?
Mais les sortilèges de cette nuit fatale où tout est permis se dissipent et Jean reste enfermé dans son rôle de valet, il retourne à Christine figée dans l’attente, tandis que Julie, effarée par son acte déshonorant, seule, trahie et désespérée se supprime avec le rasoir que l’amant lui a laissé dans les mains. D’héroïne de vaudeville, enfermée dans un huis-clos tragique, Julie devient une absurde victime sacrificielle qui se lave dans son propre sang. Trois étapes douloureuses, de plus en plus noires, et en correspondance avec des œuvres musicales très pertinentes choisies par le metteur en scène. Est-ce notre monde entre grandeur et décadence que Strindberg exécute ainsi ? Entre violence verbale et violence physique, cette pièce donne réellement froid dans le dos.

Que reste-t-il au spectateur après ce regard dévastateur sur la nature humaine signé Gian Manuel Rau ?
Goûter sa parfaite mise en scène expressionniste d’un théâtre fait d’explosions, de convulsions, de pulsions en liberté où l’on peut admirer le jeu inspiré de la très talentueuse actrice néerlandaise Berdine Nusselder, glaciale, ardente, audacieuse, révoltée et dérangeante. Gardant un accent nordique intense, elle soutient néanmoins vaillamment toute les autres interprétations du personnage de Julie, au théâtre comme au cinéma.
Profiter des larges pauses, comme dans le théâtre de Pinter, pour se distancier du cauchemar, observer les costumes (Gwendolyn Jenkins) et le maquillage fantastique de Julie (Emmanuelle Olivet Pellegrin).
Peser le vertige de la chute de l’héroïne comme celui du désir d’ascension de Jean, et l’enlisement final de la « normalité » qui enterre tous les rêves.
Dominique-Hélène Lemaire

Théâtre des Martyrs