Macadam Circus (Thomas Depryck - Antoine Laubin - De Facto)

Etterbeek | Théâtre | Théâtre Varia

Dates
Du 12 mai au 26 juin 2021
Horaires
Tableau des horaires
Impasse des Moineaux
Rue Gray, 120 1040 Etterbeek
Contact
http://www.varia.be
reservation@varia.be
+32 2 640 35 50

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Macadam Circus (Thomas Depryck - Antoine Laubin - De Facto)

Un père voudrait prévenir son enfant : plus tard la vie ne sera pas aussi drôle qu’en ce moment. Il voudrait qu’il comprenne que le monde ne tourne pas rond, que ça ne s’arrêtera pas de sitôt, que ça risque d’être pire encore.

Il voudrait lui parler des choses géniales de la vie (prendre une bonne cuite, bien manger, baiser ou jouer). Mais il voudrait surtout lui parler de ce qu’il ressent à l’intérieur de lui, et, en lui parlant de ce qu’il ressent, le protéger de cette fracture, de cette faille, de ce dégoût qui s’est insidieusement installé au fond de lui avec le temps. Mais comment dire de telles choses à son enfant ? Est-ce que ça pourrait commencer en lui disant que, hier, en rentrant …

Distribution

Avec Axel Cornil
CRÉATION SON Jean-Maël Guyot
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Quentin Simon
LUMIERE, SCÉNOGRAPHIE, MISE EN SCÈNE Antoine Laubin

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Mardi 8 juin 2021, par Yuri Didion

Comme un éléphant dans un cirque de puces

A peine le public entame-t-il son entrée que déjà, le comédien le regarde. Ce renversement ouvre Macadam Circus, un seul en scène dynamique où se croisent de multiples voix, où la scène envahit la salle (ou l’inverse ?), où l’on croise tour à tour un père, un éléphant et une Lamborghini dans une ville polluée, bondée et embouteillée. Le texte sonne comme une critique cinglante de notre société, que la mise en scène fait descendre dans le corps par un travail sur la fatigue physique.

Le moindre recoin de la cour intérieure du Petit Varia est occupé : dans un coin, un tourne-disque, dans l’autre, la régie. En face, sous un escalier métallique, un sac de frappe rouge et un canapé taggé. Et puis, le long des murs comme au centre de l’espace, des chaises pivotantes, groupées par deux, pour le public. L’un des murs écaillés s’orne de graffitis. La scénographie hors cadre floute la frontière entre l’espace de jeu et l’espace du regard, mais également entre l’espace de représentation et la représentation de l’espace : impossible de dire, par exemple, si les tags sont un choix ou une contrainte, une construction volontaire ou un élément pré-existant qui a nourri la mise en scène.

Le texte s’ouvre sur "Dix" lancé depuis la régie. C’est le début d’un compte à rebours, l’annonce d’un décollage imminent, et à chaque numéro du décompte correspond un chapitre de l’histoire. Tout de suite après, une "lettre à mon fils", déclamée par le comédien Axel Cornil. On le regarde, il nous regarde. Dans le blanc des yeux. Réciprocité immédiate qui, ajoutée à la proximité, rend un effet frappant : le texte nous est très fortement adressé. Puis, première reprise, première variation : le texte est repris, sur la musique de l’album "Ghosteen" de Nick Cave, dont le vinyl est placé avec une grâce rituelle sur le tourne-disque. Cet aspect du rite, de mouvement ordinaire chorégraphié jusqu’à les connoter d’une certaine sacralité est d’ailleurs exploité à plusieurs reprises dans le spectacle.

Tout au long des neufs chapitres qui constituent le récit de ce père en proie au doute, à la réflexion, à la fatigue aussi, différentes voix surgissent : sa femme et son fils, puis la tour de contrôle, un simple "connard", et surtout Ganesh. Ganesh l’éléphant invisible à tous sauf à la famille, l’éléphant qui détruit le canapé ikéa, l’éléphant-métaphore. Métaphore de quoi ? On ne sait pas. L’auteur, Thomas Depryck, se garde bien de l’expliquer, et va même jusqu’à questionner dans le texte le symbole qu’il convoque. A chacun, peut-être, de se projeter dedans : symbole de mémoire, de vieillesse, dieu de la sagesse et de l’enseignement, animal-gardien de la nature, quoi d’autre encore ? Sinon, on peut aussi décider de ne pas essayer d’interpréter l’éléphant, de ne voir en lui qu’un arbre cachant la forêt, qu’une diversion qui dissimule un autre propos. Car le texte contient aussi et, osons-le, surtout un jugement sans appel sur notre mode de vie, sur nos sociétés, sur nos habitudes. Une critique appuyée de "la marchandisation de nos vies que nos dirigeants ont décidé de préserver prioritairement et à tout prix", explique le programme.

Pourtant, malgré une langue intéressante, une interprétation efficace et une mise en scène riche, je n’ai pas réussi à me laisser emporter par le spectacle. D’une part, parce que la scénographie bouscule le cadre de la représentation, mais que ce dernier reste malgré tout bien en place : les spectateurs sont assis, regardent ensemble et en silence vers le même endroit. Le théâtre s’est à peine retourné dans son sommeil. Même l’intervention-entracte, après le "Cinq", de la régie offrant des boissons à tout le monde n’arrive pas à casser ça, et pourtant, elle offre une respiration vivante et bienvenue dans la densité du texte. D’autre part parce que l’aspect éclaté de ce dernier, tant dans les adresses que dans la multiplicité des voix et leurs surgissements relativement imprévisibles, complique la compréhension du récit et du propos. Ceci aurait, je crois, demandé soit une plus grande analyse soit un plus grand lâcher-prise que ce que j’ai pu fournir. Je prends le risque de recommander le grand lâcher prise pour profiter de ce spectacle intéressant. Peut-être les spectateurs ultra-lectant trouveront-ils aussi leur compte.

Yuri Didion

« Macadam Circus », de Thomas Depryck, mis en scène par Antoine Laubin et interprété par Axel Cornil. Jusqu’au 21 juin 2021 dans la Cour du Petit Varia.
https://varia.be/

Théâtre Varia