Les beaux

Saint-Josse-Ten-Noode | Théâtre | Théâtre Le Public

Dates
Du 21 septembre au 30 octobre 2021
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Le Public
Rue Braemt, 64 70 1210 Saint-Josse-Ten-Noode
Contact
http://www.theatrelepublic.be
contact@theatrelepublic.be
+32 2 724 24 44

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Les beaux

Ils sont beaux. C’est vraiment un beau couple et un bon ménage, sourires d’anges et habits de fête, attentifs, attention- nés, inquiets l’un de l’autre. Mais soudain le ton change. Ils s’en prennent l’un à l’autre. Ils ne sont plus que dans le pugilat, ils s’invectivent à coups de petites phrases assassines. Où sont passés les beaux ? Dans la tête d’une petite fille, pardi ! Et l’on se rend compte que tout ce qu’on voit, ce qu’on entend, on l’observe à travers le regard d‘une enfant. Leur fille, qui passe son temps à les imaginer heureux, et beaux, parce que pour une petite fille, c’est mieux quand les parents sont heureux. Jusqu’au moment où il faudra bien qu’elle agisse, la petite, pour tenter de remettre les pendules à l’heure et l’amour au milieu du village.

Léonore Confino est l’une des autrices les plus intrigantes de ces dernières années. En équilibre entre second et premier degré, entre imaginaire et intime, entre gravité et drôlerie, les mots crus succèdent aux mots d’amour, les insultes à la bien- veillance. avec une distribution magnifique, qui n’a pas froid aux yeux, ça va chauffer dans la chaumière. Ça va déména- ger chez les Beaux. Le regard d’un enfant est toujours plus bouleversant que la colère aveugle des parents.

Une production du Théâtre Le Public. Avec le soutien du Tax Shelter de L’État Fédéral Belge via Belga Films Fund et de la Communauté Française. L’œuvre est représentée par l’agence Drama. Photo © Gaétan Bergez.

Distribution

De Léonore Confino | Mise en scène Eric De Staercke | Avec Ariane Rousseau et Fabio Zenoni

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Lundi 11 octobre 2021, par Jean Campion

Au bord de l’implosion

Dans "Ring" (2011), sa première pièce, Léonore Confino s’inspire de sa propre histoire, pour ausculter, avec un humour caustique, les relations de couple. "Les Beaux" poursuit cette exploration. L’idée de cette comédie lui a été suggérée par la lecture d’une étude sociologique sur les anciennes stars de lycées. "N’ayant pas eu à lutter, pendant leur adolescence, contre l’acné, la solitude, les petites méchancetés, le rejet, ils ont un mal fou à s’adapter au monde du travail, à la vraie vie." Privés de réels défis, de batailles pour s’affirmer, les protagonistes des "Beaux" étouffent dans une existence qui leur paraît vaine.

"Tu es très belle... Nous sommes beaux...". Les yeux écarquillés et le sourire figé, Ken et Barbie se félicitent de leur bonheur. En se disant des "machins sexuels d’amoureux", ils se frottent le ventre, pour faire un enfant. Des confusions amusantes, des phrases inquiétantes se mêlent à ces mots d’amour qui sonnent faux. On comprend qu’en manipulant ses poupées, Alice, sept ans, idéalise la relation de ses parents.

Elle imagine que son papa, "chasseur de têtes", se lance à la poursuite de proies, les décapite et aligne leurs têtes devant son chef. En réalité, il subit chez Publicis un boulot exaspérant. Lorsqu’il revient chez lui, il a besoin de souffler et de savourer d’avance, la tranche de jambon qu’il s’est réservée, en la cachant derrière les yaourts dans le frigo. Une mesquinerie écoeurante qui pousse sa femme à le braver et à l’insulter. Rongé par la rancoeur de vieux mensonges, le couple se fissure. Alice, rejetée par les autres enfants, s’enferme dans le silence, à l’ombre du mal-être de ses parents. Ce comportement, qui nécessite une surveillance permanente, prive la mère de sa liberté. Elle s’étiole en femme au foyer. Distraction interdite ! Lorsqu’il apprend que sa fille a peut-être vu une scène de décapitation à la télé, le père explose de colère. Tout à coup Alice prend une initiative qui affole ses géniteurs.

En plein désarroi, ces trentenaires narcissiques multiplient les phrases assassines. Il lui reproche de l’avoir humilié, le jour de leur mariage : deux minutes d’hésitation, avant de dire oui ! Elle l’oblige à reconnaître son refus d’affronter la vérité et sa peur de la vie. Avec fureur, ils font table rase du passé. Cette liquidation leur permettra-t-elle de remonter la pente, de retrouver l’amour ? Comme l’Alice de Lewis Carroll, ils tentent de passer "De l’autre côté du miroir"...

Grâce à la plume mordante de Léonore Confino, ce couple en perdition provoque de nombreux éclats de rire. Répliques ciselées, formules cinglantes rendent ce pugilat férocement drôle. La mise en scène d’Eric De Staercke souligne habilement l’opposition entre la vision ludique et l’image réaliste du couple. De la fantaisie, des gags, des indices troublants et puis des affrontements rugueux, qui s’enchaînent sur un rythme haletant. Fabio Zenoni apparaît surtout comme un père aux abois. Accablé de reproches par sa femme, il recherche le dialogue. Mais il devient fou quand sa fille est en danger. C’est un homme très égoïste, rancunier, querelleur qui devra reconnaître sa lâcheté. Son épouse, qu’incarne Ariane Rousseau, se sent piégée par un quotidien frustrant. Tour à tour pugnace, détachée, ironique, elle amène son mari à se voir tel qu’il est et à lutter contre l’engourdissement de notre société... Une source de réflexion.

Jean Campion

Théâtre Le Public