Le Vieux Juif blonde

Bruxelles | Théâtre | Les Riches-Claires

Dates
Du 16 février au 11 mars 2017
Horaires
Tableau des horaires
Les Riches-Claires
rue des Riches Claires, 24 1000 Bruxelles
Contact
http://www.lesrichesclaires.be
accueil@lesrichesclaires.be
+32 2 548 25 80

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Le Vieux Juif blonde

« Ce n’est pas évident d’être crédible quand on parle géopolitique avec un 95C ! »

Joseph Rosenblath, se demande ce qu’il a bien pu faire au bon Dieu, lui qui a été élevé à la carpe farcie et aux chants yiddish, pour se retrouver avec des parents cathos qui jouent au golf à Knokke le Zoute.
Joseph Rosenblath, rescapé d’Auschwitz, est contraint de porter une chemise de nuit rose imprimée avec des cochons qui jouent de la flûte.
Joseph Rosenblath est une jeune fille blonde de vingt ans qu’on prénomme Sophie !
Joseph Rosenblath est "Le vieux Juif blonde".

N’avons-nous pas déjà en nous tous les âges de notre vie ? De même que les deux sexes ?
La compagnie WaitWhat ?! nous emmène dans un délire Schizophrène et psychanalytique, un voyage entre adolescence et crepuscule d’une vie, entre mémoire et amnésie.

Prêts à embarquer ? 3,2,1... F(r)eu(d) !

Distribution

Avec : Frédérique Massinon
Mise en scène : Mikaël Sladden
Création Sonore : Philippe Jonckheere
Scénographie : Julie Michaud
Assistanat à la mise en scène : Gérard d’Anvers

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Samedi 25 février 2017, par Jean Campion

Une Audace payante

Amanda Sthers est une artiste multicarte. Romancière, dramaturge, elle a aussi écrit des contes pour enfants, des épisodes de la série "Caméra café", des paroles de chansons, des scénarios de films et a collaboré à une autobiographie de Johnny Hallyday. Dans son premier roman,"Ma place sur la photo" (2004), elle évoque son enfance et l’apprentissage de la vie. Quand son père, psychiatre juif tunisien et sa mère, avocate, catholique, bretonne, divorcent, le monde s’écroule. Le désarroi d’une jeune fille qui constate : "Je suis bien trop de personnes pour un seul corps" trouve des échos dans sa première pièce "Le Vieux juif blonde". Créée en 2006, elle est jouée dans le monde entier. La version proposée par Frédérique Massinon, mise en scène par Mikaël Sladden, justifie pleinement ce succès.

D’un coup de pied rageur, la jeune fille blonde envoie promener le poste de radio. Cette musique braillarde agace le vieux juif, qui habite Sophie. En 1940, Joseph Rosenblath a visité la Pologne en train. "Malheureusement, il n’y avait pas de fenêtres. Aujourd’hui, les jeunes font Erasmus, nous c’était Auschwitz." Humour noir d’un homme de 77 ans, qui se détache de la vie et trouve amusants les efforts de son médecin, pour masquer la date de péremption. Son identité le préoccupe. Que fait-il dans cette famille de cathos, jouant au golf à Knokke-le-Zoute ? Un père qu’il appelle papa depuis vingt ans, parce qu’il ne se souvient plus de son prénom. Une mère qui lui fait manger du porc et qui voudrait tant discuter avec sa grande fille. On a diagnostiqué le syndrome dont souffre Sophie : une forme d’hystérie schizoïde. Mais les consultations du psychiatre, comme les séjours en hôpital, s’avèrent inutiles. Dépassés, les parents se prennent dans les bras et se disent : "Elle s’en sortira."

Sophie a des violons dans la tête et dans le coeur. Ils semblent la narguer en jouant faux et fort. Dans les méandres de son esprit confus, des souvenirs refont surface : son amour pour Julien et le drame de sa petite soeur Mathilde, morte dans un accident. Le jour du kippour, elle tient à respecter le jeûne, signe de maîtrise de soi. Sa mère la supplie : "Ne sois pas juif, juste ce soir, ne sois pas ce vieux juif. Tes grands-parents sont là." Au lieu de lui obéir, Sophie profite de cette réunion, pour provoquer un scandale... Bouleversement des rapports familiaux.

A travers ce dédoublement de la personnalité, l’auteure jette des ponts entre hier et aujourd’hui. Sophie a couvert tous les miroirs, dans lesquels elle pourrait se voir. Elle ne trouve plus sa place dans sa vie. Comment exister auprès de parents traumatisés par la perte de Mathilde ? Elle se sent coupable d’avoir survécu à sa soeur. Sentiment partagé par Joseph Rosenblath, rescapé de la Shoah. Pourquoi est-il encore en vie, alors que sa famille, ses amis ont été exterminés dans les camps ? La recherche d’identité rejoint le devoir de mémoire.

Ce monologue nous tient constamment en haleine, grâce à la qualité de son écriture et à la maîtrise de son interprète. Amanda Sthers s’appuie subtilement sur une situation surréaliste pour nous entraîner vers des réflexions psychanalytiques. En laissant des zones d’ombre, qui ouvrent la porte à des compréhensions diverses. La jeune blonde et le vieux juif partagent un humour dévastateur, qui allège et pimente le texte. Découpant "Rosenblath" en "rose" et "blatte", Sophie estime que "cafard rose" est un surnom qui lui convient. Par la précision de sa mise en scène, Mikaël Sladden rend le spectacle fluide et aide Frédérique Massinon à exploiter les ruptures. La comédienne adopte toujours le ton juste. Caricatural pour singer la mère superficielle ou la grand-mère déphasée. Beaucoup plus sobre, pour faire vivre les personnages attachants, qui cohabitent en elle.

Jean Campion

Les Riches-Claires