Landfall

La Louvière | Danse | Central - La Louvière

Dates
Du 28 au 27 novembre 2022
Horaires
Tableau des horaires
Central | Le Théâtre
Place Communale 22 - 7100 La Louvière
Contact
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communication@cestcentral.be
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Landfall

C’est un fragment d’espace mental. Peut-être une île, peut-être un no man’s land. Une zone frontière, une zone à défendre face aux rétrécissements du réel.

Pour habiter cette terra incognita, Erika Zueneli réunit dix interprètes. Ces jeunes adultes sont pris dans le flot continu de ce qui pourrait être une révolution secrète, de celles qui ne cherchent à convaincre personne. En assemblage d’énergies et de sensibilités, ils questionnent cette zone qui renferme tous les possibles d’un monde encore à bâtir.

LANDFALL compose et recompose des existences qui se nouent, se disloquent et se redécouvrent, tour à tour fougueuse, animales, mystérieuses, violentes. Ils transforment ainsi progressivement cette zone qui est la leur. Une porte ouverte vers un monde à l’envers – loin des guerres, des inégalités et des horizons bouchés, pourtant on ne peut plus actuel. Que faire ? Que faire si ce n’est jouer côte à côte, inventer des règles du jeu pensées pour être bouleversées.

Distribution

Conception et chorégraphie : Erika Zueneli | collaborateur artistique et regard scénographique : Olivier Renouf | danseurs, comédiens : Alice Bisotto, Benjamin Gisaro, Caterina Campo, Charly Simon, Clément Corrillon, Elisa Wery, Felix Rapela, Louis Affergan, Lola Cires, Matteo Renouf | conseil dramaturgique : Olivier Hespel | regard extérieur : Julie Bougard | création sonore : Thomas Turine | création lumière : Laurance Halloy | assistants au projet : Corentin Stevens, Louise De Bastier | administration : Ta-Dah / asbl | production/diffusion : Des Organismes vivant

Photographie © Jean Fürst

Partenaires : Central - La Louvière | CCN Rillieux-la-Pape | Centre des Arts Scéniques - Mons | Le Pavillon, Ville de Romainville | Centre Wallonie Bruxelles, Paris | Studio THOR | avec la Fédération Wallonie-Bruxelles- Session danse // Région Ile de France - PAC (via des Organismes Vivants et Cap étoile) // DRAC Île-de-FranceAccueils en résidence : Central - La Louvière | Grand Studio | Studio THOR | CCN Rillieux-la-Pape | CCN Ballet du Nord à Roubaix

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Lundi 28 novembre 2022, par Didier Béclard

Le « je » est dans le « nous »

La chorégraphe et danseuse Erika Zueneli réunit dix interprètes qui habitent une « zone à défendre face aux rétrécissements du réel ». Partant de l’occupation de l’espace, ils assemblent leurs énergies et leurs personnalités respectives pour constituer un ensemble qui fait corps. A voir, absolument.

Une femme arrive en courant et se place au bord de la scène, immobile. Lorsqu’elle s’en va, une autre prend sa place, suivie par un homme qui quitte le plateau alors que trois autres personnes y pénètrent. Deux autres s’y ajoutent puis la scène se vide au goutte à goutte.

Ce jeu de va et vient, sur le principe des vases communicants, se poursuit au son de quelques notes de piano éparses. Le plateau n’est jamais désert et est même, un moment, occupé par les dix interprètes. Mais aucun n’y reste vraiment longtemps. Une musique plus élaborée et continue s’installe. En sortant de scène, l’avant dernier marque un temps d’arrêt, se retourne et adresse un regard au dernier.

Femmes et hommes occupent à nouveau le plateau selon les mêmes modalités mais ils ne se présentent plus seulement face au public, droits, neutres, immobiles. Ils prennent la pose dans différentes attitudes alors que de petits mouvements des membres apparaissent chez certains. Une véritable gestuelle se développe, ils semblent prendre vie alors que certains d’entre eux gardent une pose figée, comme pour constituer un décor composé de statues.

A ce stade, l’on décèle peu de contacts, même visuels, entre les différents interprètes. Petit à petit, par deux, des regards s’échangent, des mouvements sont partagés, des sorties de plateau se font de concert. Les interactions entre les danseuses et les danseurs sont plus fréquentes, plus franches, mieux synchronisées. Le décor sonore (signé Thomas Turine) donne le tempo aux changements de tableaux, à la succession des scènes.

Ils sont tous les dix sur scène, tous en mouvement. Quelques bribes de paroles fusent, parfois inaudibles, parfois incompréhensibles faute de contexte. Rien d’envahissant, comme cela peut parfois l’être dans des spectacles de danse, des propos, disons anodins. « Ici, c’est moi, voilà moi », dit par exemple l’une d’entre elle.

Des mains apparaissent de derrière la toile qui constitue l’unique décor en fond de scène avant de disparaître, lentement. Une voix parle de feux d’artifice, « fugaces comme le printemps », tandis que la musique évoque une ambiance de carnaval. Des boulettes de papier coloré jaillissent depuis la toile de fond, à l’instar des oranges lancées lors des festivités carnavalesques de la région du Centre. L’un des pans de la toile s’affaisse, donnant à voir le lanceur de boulettes et l’une des interprètes qui joue une ritournelle répétitive sur le clavier d’un synthétiseur.

Tous reprennent possession de la scène, d’abord figés, puis sous l’impulsion d’une des danseuses, ils entament des mouvements de bassin, sensuels, presque aguichants. Le mouvement est collectif mais chacun y va de son rythme, de sa touche personnelle. Le groupe s’est constitué mais, à l’intérieur de celui-ci, chaque interprète garde sa personnalité, sa singularité.

La cohésion de l’ensemble s’exprime par la suite lorsque, tour à tour, une danseuse, un danseur, puis d’autres poussent un gémissement et feignent de s’évanouir. Tous, ou presque, se précipitent pour empêcher la personne de tomber au sol. La solidarité du collectif rencontrera son point d’orgue dans le final du spectacle avec une figure entièrement basée sur la totale confiance qu’un individu accorde au reste du groupe.

Avec « Landfall » (le terme n’a pas d’équivalent en français mais signifie, en gros, toucher terre, ce qui vaut pour un avion comme pour un bateau), la danseuse et chorégraphe Erika Zueneli renoue avec les pièces de groupes. Sa dernière création de ce type remonte à 2007/2008 avec « Partita-S » et ses huit danseurs. Ici, elle a rassemblé dix interprètes issus du milieu de la danse et du théâtre et même une personne venant du monde du cirque (il est facile à repérer, il est le seul à s’autoriser un salto arrière parfaitement maîtrisé).

Le thème de la pièce n’est pas tant le groupe en lui-même que la coexistence des singularités qui le composent. Tous les membres de l’ensemble sont différents, et affirment leur différence, mais le rassemblement de toutes ces individualités n’empêchent nullement le « nous » d’exister, au contraire, c’est cette diversité qui lui insuffle toute sa force.

Partant de jeux d’écriture mais, surtout, de contraintes d’espace (et donc de déplacement), Erika Zueneli a réussi à guider cette autre génération de danseuses et danseurs (oui, quelle que soit la discipline à laquelle ils ont été formés, tous s’affirment comme des danseurs sur la scène) dans sa culture chorégraphique sans gommer leurs singularités respectives. On reconnaît la patte de la chorégraphe dans cette œuvre, tout en équilibre et en cohérence, mais l’on distingue également la personnalité des interprètes, tous remarquables.

Didier Béclard

« Landfall » d’Erika Zueneli en collaboration avec Olivier Renouf, avec Alice Bisotto, Benjamin Gisaro, Caterina Campo, Charly Simon, Clément Corrillon, Elisa Wery, Felix Rapela, Louis Affergan, Lola Cires et Matteo Renouf, jusqu’au 27 novembre à Central à la Louvière, 064/21.51.21, www.cestcentral.be.

Ce vendredi 25 novembre, une navette au départ de Bruxelles est prévue pour la première (renseignements au 064/21.51.21).

Lundi 28 novembre 2022, par Didier Béclard

Landfall : Un « nous » fait de toutes nos singularités

Entretien avec Erika Zueneli

Pour sa dernière création, « Landfall », Erika Zueneli réunit dix interprètes dont tous ne viennent pas de l’univers de la danse. Partant de l’espace qui constitue une zone à défendre face aux rétrécissements du réel, ils inventent une gestuelle pour exprimer le désir et l’impatience que la chorégraphe retrouve dans cette nouvelle génération

Après de récentes créations plutôt intimes comme « Para Bellum » (2021), un solo à l’énergie trouble comme une préparation au combat, « Mozaïco » (2021), une pièce originale composée d’une multitude de fragments d’autres pièces, ou « Allein » (2018) un trio corps, voix et musique en collaboration avec Jean Fürst et Rodolphe Coster, Erika Zueneli souhaite renouer avec une pièce empreinte de la notion de groupe et de cohabitation sur le plateau. « Le groupe permet de révéler la relation aux autres, explique-t-elle, mais aussi la relation à soi. Ce n’est possible qu’avec un certain nombre d’interprètes qui révèle de façon moins abstraite l’aspect humain ».

Partant de la question du nombre d’interprètes dans une grande forme, la chorégraphe a constaté qu’elle travaille en général avec des équipes fidèles, « on a grandi ensemble, comme dans la vie », sourit-elle. Évoquant la notion de génération, elle tient à faire la distinction avec une forme de « jeunisme », l’idée étant non pas de se focaliser sur la jeunesse mais de créer une équipe d’une autre génération (que la sienne). Mais toujours avec le désir d’observer l’humain et son comportement, de raconter le monde à travers l’humain. « Il s’agit de regarder les mêmes choses mais à partir d’un autre angle de vue ».

A partir de cette envie, il fallait trouver comment concrètement former une telle équipe. L’idée de faire appel à des personnes en formation, par définition « entre deux », a été rapidement abandonnée au profit de personnes sortant de formation et donc âgées de 18 à 28 ans. Un second critère de sélection visait à ne pas se limiter au monde de la danse mais de s’ouvrir à des interprètes qui ont une grande corporalité issus d’autres disciplines, comme le théâtre et même le cirque.

Erika Zueneli s’est donc tournée vers le Centre des Arts Scéniques, une ASBL dont le but est de faciliter l’entrée dans la vie professionnelle des diplômé·e·s d’une des cinq écoles supérieures d’Art dramatique de la Communauté française. Résultat, la moitié des candidats retenus sortent d’une formation en théâtre même s’ils ont eu beaucoup de contacts avec la danse. S’y ajoutent des candidats libres retenus après audition pour constituer un groupe de dix personnes de formations différentes.

La chorégraphe souhaitait explorer les notions du désir, de la découverte et de l’impatience, d’agir, d’être, en observant une génération différente en ayant à cœur d’éviter les clichés. L’impatience, l’urgence, ne se traduit pas nécessairement par la rapidité des mouvements. Le travail s’est articulé autour d’une construction chorégraphique en fonction de l’espace et de jeux d’écriture faisant naître des mots à traduire dans le mouvement.

Il s’agissait de trouver un langage, une métaphore qui rapproche les composantes du groupe. L’espace est organisé de manière telle que les singularités apparaissent dans une grande coexistence, révèle qui ils sont, leur âge, leur corps, les questions sociétales qui les habitent. « De manière sous-jacente, explique Erika Zueneli, cela fait apparaître les questions sur l’humain qui change avec la génération. Ils questionnent ce qui est devant eux de manière métaphorique mais aussi concrète, ensemble, selon des règles que le public ne connaît mais perçoit au cours du spectacle ».

Le terme « Landfall » qui donne son nom à la pièce n’a pas d’équivalent en français. Littéralement, cela signifie toucher terre, ce qui vaut pour un avion comme pour un bateau, par exemple. La chorégraphe l’envisage par rapport à l’âge, atterrir pouvant être assimilé à réinventer puisque « le décollage est obligatoire avant de pouvoir atterrir ».

Entourée de jeunes personnes comme la metteuse en scène Louise de Bastier et le danseur Corentin Stevens, Erika Zueneli a travaillé sur des jeux d’écriture avec les interprètes sur « une jeunesse » enfermée dans des clichés. Cela a permis de dresser une cartographie d’assemblages de mots – comme, par exemple, « le printemps éphémère » ou « le fugace qui transpire » - à mettre en mouvement. L’objectif de cet exercice était de trouver leur singularité en passant de l’intime à l’universel, mais aussi de faire sortir l’humour qui dit beaucoup (ou rien du tout).

Un peu déstabilisés au départ par ce travail, les interprètes, qui disposent de belles formations en mouvement, se sont prêtés au jeu. Ils ont beaucoup improvisé à partir de principes d’espace et non d’intentions psychologiques. « C’est de là que la dentelle du jeu vient », commente la chorégraphe qui fait référence à « Tant’amati » où le travail sur l’espace était dicté par l’esprit de la pièce.

A trois semaines de la première, Erika Zueneli se dit contente du travail réalisé, même si la pièce recèle encore des choses à découvrir. « C’est un voyage, un chemin différent d’un solo ou d’un travail réalisé avec un complice de longue date, dit-elle. J’ai beaucoup aimé travaillé sur cette micro-société où la coexistence est plus importante que le groupe. » Le jeu, le « je », est dans le « nous » et la notion de l’un commun apparaît petit à petit. Mais le point de départ est plutôt l’organisation de l’espace qui détermine des zones où les solitudes, dégagées des attitudes un peu centristes, ne sont plus vraiment présentes.

Se créent alors des zones à défendre, des valeurs face à des questions sociétales partagées de façon différente. Soucieuse de contourner les clichés sur la jeunesse, la chorégraphe insiste sur le fait que « ce sont des individus qui portent l’âge qu’ils ont. Même s’ils sont très conscientisés, ils existent par leur présence et leur corps, plutôt que par un discours explicite ».

A noter qu’en parallèle à la présentation de « Landfall », Erika Zueneli réalise des interventions territoriales participatives sous forme d’ateliers réalisés selon les mêmes principes que ceux utilisés avec l’équipe du spectacle. Le hall de Central accueillera donc une intervention – dont la forme finale n’est pas encore déterminée - réalisée avec de jeunes amateurs de la région à partir de questions abordées ensemble. L’idée est de travailler avec le public pour lui faire découvrir le travail de la scène, autrement que sous le prisme du spectateur. La danseuse qui préfère des gestes créatifs à de simples ateliers pédagogiques envisage également de réaliser des déclinaisons à partir d’une création plus spécifique.

« Landfall » d’Erika Zueneli avec la collaboration artistique et scénographique d’Olivier Renouf, avec Alice Bisotto, Benjamin Gisaro, Caterina Campo, Charly Simon, Clément Corrillon, Elisa Wery, Felix Rapela, Louis Affergan, Lola Cires et Matteo Renouf. Du 25 au 27 novembre à Central à La Louvière, 064/21.51.21, www.cestcentral.be.

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