La putain respectueuse | La putain irrespectueuse

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 29 janvier au 15 février 2020
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre des Martyrs
Place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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La putain respectueuse | La putain irrespectueuse

La putain respectueuse, à sa création en 1946, scandalisa la presse française qui la taxa d’anti-américanisme : on ne voulait pas voir le racisme qui régnait au pays des libérateurs.

Billie Holiday chantait déjà Strange fruit, Rosa Parks n’avait pas encore refusé de céder sa place, Martin Luther King n’avait pas encore reçu le prix Nobel, personne n’avait entendu Malcom X, Angela Davis était une toute petite fille. Et les suprémacistes du Ku Klux Klan sévissaient encore.

La pièce de Sartre s’inspire de l’affaire des Scottsboro boys : neuf hommes noirs âgés de 12 à 20 ans, accusés du viol de deux femmes blanches sur base d’un faux témoignage et dont huit furent condamnés à mort. L’écrivain donne peu la parole au « nègre » comme on disait alors, le rôle n’a pas de nom, et le montre apeuré et intériorisant sa condition d’être traqué. Dans La putain irrespectueuse, Jean-Marie Piemme, à l’inverse, lui donne une identité et une pensée. Dans l’Amérique d’hier, le noir était toujours coupable ; de récents faits tragiques montrent que le verbe se décline encore au présent.

Distribution

textes 
Jean-Paul Sartre & Jean-Marie Piemme
jeu 
Priscillia Adade,
 Thierry Hellin, 
Aurélien Labruyère, 
Berdine Nusselder, … 

lumières & mise en scène 
Philippe Sireuil

décor
 Vincent Lemaire

costumes 
Catherine Somers

vidéo 
Hubert Amiel


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2 Messages

  • La putain respectueuse | La putain irrespectueuse

    Le 1er février 2020 à 23:04 par Colette

    Spectacle sans entracte, mais découpé en deux actes avec le racisme pour thème principal. Au cours du premier acte, une femme dite de "petite vertu", la putain respectueuse, se laisse dominer et lâchement corrompre par les suprématistes blancs américains et commet un faux témoignage au détriment d’un innocent. Au cours du deuxième acte, la putain irrespectueuse revient sur ce faux témoignage.

    Ce spectacle a une dimension éthique : le racisme vis-à-vis d’une catégorie de personnes anonymes est moins interpellant qu’un acte de racisme commis à l’égard d’une personne dont on connaît le nom. Le spectacle se termine sur une note d’espoir.

    La mise en scène est sobre mais efficace. La croix enflammée, qui fait penser au Ku Klux Klan, est impressionnante et bien adaptée au sujet de la pièce.

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  • La putain respectueuse | La putain irrespectueuse

    Le 1er février 2020 à 23:26 par Colette

    Spectacle sans entracte, mais découpé en deux actes avec le racisme pour thème principal. Au cours du premier acte, une femme dite de "petite vertu", la putain respectueuse, se laisse dominer et lâchement corrompre par les suprématistes blancs américains et commet un faux témoignage au détriment d’un innocent. Au cours du deuxième acte, la putain irrespectueuse revient sur ce faux témoignage.
    Ce spectacle a une dimension éthique : le racisme vis-à-vis d’une catégorie de personnes anonymes est moins interpellant qu’un acte de racisme commis à l’égard d’une personne dont on connaît le nom. Le spectacle se termine sur une note d’espoir.
    La mise en scène est sobre mais efficace. La croix enflammée, qui fait penser au Ku Klux Klan, est impressionnante et bien adaptée au sujet de la pièce.

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Mardi 4 février 2020, par Jean Campion

Double attaque contre le racisme

Créée en 1948, "La Putain respectueuse" fut très mal accueillie. On n’admettait pas que les Américains, libérateurs de l’Europe et qui l’aidaient à se reconstruire grâce au plan Marshall, apparaissent comme des racistes, méprisant les "nègres". Libérée de ce parti pris, la pièce de Sartre, qui n’a rien perdu de sa pertinence, est régulièrement à l’affiche. Souhaitant la monter, Philippe Sireuil regrettait le peu de place accordée à l’homme noir. C’est pourquoi il a demandé à Jean-Marie Piemme d’écrire une "variation", qui lui donnerait identité et parole. La mise en scène ne se contente pas de juxtaposer les deux textes. En se frottant l’un à l’autre, ils permettent au spectateur de sentir leur lien, d’écouter leur dialogue.

Sartre situe l’action dans les années 40, au coeur d’une petite ville du sud des Etats-Unis. Aux abois, un Noir, accusé du viol d’une Blanche, supplie Lizzie de l’innocenter. Cette prostituée sait qu’il n’est pas coupable. Dans le train, elle a vu un Blanc tuer un Noir et provoquer la fuite d’un autre. Cette vérité, Dick, un client, voudrait bien qu’elle la trahisse. Un faux témoignage permettrait de disculper son cousin Thomas. La putain est déconfite. Pas question d’obéir à cet homme pingre, coincé, qui après avoir joui, lui reproche de "sentir le péché". Les menaces des flics ne l’impressionnent pas davantage. Politicien sans scrupules, le sénateur, père de Dick, approuve son honnêteté, pour la mettre en confiance. Puis, en parlant au nom de l’Amérique, il réussit à la déstabiliser et à lui faire signer le document, qui sauve son neveu. Minée par sa mauvaise conscience, Lizzie pousse le Noir à se défendre avec une arme. En vain : "Je ne peux pas tirer sur des Blancs.". Elle aussi se soumet à l’ascendant des oppresseurs.

Une domination qui vole en éclats dans la pièce de Jean-Marie Piemme. Patronne de bordel, Lizzie ricane lorsque Dick se plaint de la maigreur des recettes. Elle éprouve un profond mépris pour cette épave noyée dans l’alcool et la drogue. Un fils qui retrouve de la vigueur pour frapper son père, le sénateur. Le visage tuméfié, celui-ci révèle sa médiocrité. Il voudrait récupérer sa Rolex, pour que Dick ne découvre pas sa liaison avec Lizzie. Très irrespectueuse, la putain refuse de prolonger les cachotteries. Ce sont les échanges avec Louis, le Noir, qui la poussent à relever la tête. Il a commencé par la défier : "Appelle la police. Ne te gêne pas." Elle croyait qu’il désirait se venger. En réalité, il est déterminé à affirmer son existence. Protégé par des lois, qui combattent la discrimination raciale, il défend son honneur, la mémoire de sa femme et l’avenir de son fils.

Le texte de Sartre nous montre que le Noir et la putain se voient avec les yeux des Blancs. Les mystificateurs, qui ont annexé le Bien et le Droit, ont pourri leur regard. Ils les ont persuadés que si on les tolère, c’est uniquement parce qu’ils sont utilisables. Un intermède évoque la lutte contre ce racisme aveugle. En chantant avec ferveur "Strange fruit", Priscilla Adade dénonce les lynchages des années 30. Ensuite, un trio de chroniqueurs rappelle lois et faits marquants, qui ont desserré l’étau de la ségrégation raciale. Situant sa pièce dans les années 60-70, Piemme s’attaque à la problématique de la domination blanche "au moment où elle est en faillite". Un déclin concrétisé par les rapports haineux entre le sénateur et son fils.

La mise en scène rigoureuse de Philippe Sireuil nous entraîne dans un spectacle d’une grande intensité. Film du délit, croix enflammée, bison défiant un Noir apeuré nous plongent dans la violence du sud des Etats-Unis. Sartre et Piemme ont créé un sénateur et une Lizzie fort différents. Thierry Hellin se montre aussi convaincant en politicien machiavélique qu’en père minable et monstrueux. Berdine Nusselder passe souplement d’une Lizzie résignée à une femme qui se libère de ses complexes. Jean-Marie Piemme a donné la parole à Louis et pour conférer au rôle "une dimension qui embrasse le monde entier, la totalité des hommes", Philippe Sireuil l’a confié à Priscilla Adade, une actrice noire.

Jean Campion

Théâtre des Martyrs