Juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur

Ixelles | Théâtre | Théâtre Varia

Dates
Du 18 janvier au 5 février 2022
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Varia
Rue du Sceptre, 78 1050 Ixelles
Contact
http://www.varia.be
reservation@varia.be
+32 2 640 35 50

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Juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur

Depuis 1975, le Q.I. moyen de la population baisse de 2 points par décennie. Les membres du collectif Rien de Spécial, tous et toutes nés après 1975, se sentent particulièrement concernés par le problème.Usant de leur science du décalage et du second degré, ils tentent de l’affronter dans une dystopie.

Ils se projettent dans un monde, fortement inspiré de la réalité, où les acteurs seraient entourés d’abrutis, sans être eux-mêmes particulièrement brillants… Un monde où il resterait juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur.

Imaginez le théâtre dans un futur très proche, où la capacité de concentration de chacun et chacune serait ultra-limitée, les centres d’intérêts d’une futilité affligeante, et où les “autour du spectacle” auraient fini par prendre le pas sur la représentation elle-même.

Distribution

CONCEPTION, JEU Alice Hubball, Marie Lecomte, Hervé Piron, Baptiste Sornin
CRÉATION LUMIÈRE Laurence Halloy
CRÉATION SON Maxime Bodson
SCÉNOGRAPHIE, CRÉATION COSTUME Silvio Palomo, assisté d’Odile Dubucq pour les costumes
DIRECTION TECHNIQUE Benoît Pelé
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE En cours
COLLABORATION ARTISTIQUE, REGARD EXTÉRIEUR Julien Fournet

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Mardi 25 janvier 2022, par Jean Campion

La Fiction, garant de l’intelligence

Alice Hubball, Marie Lecomte et Hervé Piron ( réunis dans le collectif "Rien de spécial") s’appuient sur un humour grinçant pour partager avec le public des préoccupations universelles. Dans "In vitrine" (2013), ils ridiculisent le bonheur en kit et dans "Obsolète" (2016), ils soulignent la difficulté à déjouer les pièges de la surconsommation. C’est à la menace d’un abrutissement général que s’attaque "Juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur". Depuis 1975, le Q.I. moyen de la population baisse de 2 points par décennie. Intoxiqués par les images, les sons, les pubs, les fake news, les réseaux sociaux, les humains auraient de plus en plus de mal à se concentrer et à faire appel à leur imagination.. Un danger que les comédiens s’amusent à dénoncer avec un humour désarçonnant.

On ne s’attend pas, en effet, à ce que le spectacle commence par un bord de scène. C’est pourtant ce qu’annonce un sympathique animateur (Baptiste Sornin). Il présente les comédiens sortant des coulisses, leur pose quelques questions creuses, en ignorant leurs balbutiements, puis invite le public à... nourrir la discussion. Certaines questions relèvent du caprice. Très complaisants, les acteurs acceptent d’illustrer la contagion du rire, un exercice appris au conservatoire, et même de rejouer le début de la pièce, pour une spectatrice arrivée en retard. Une reprise qui accentue l’absurdité de ce démarrage.

Puisqu’il faut meubler un temps mort, les comédiens se livrent à un deuxième exercice : détendre les muscles du visage pour qu’il devienne amorphe... Noir sur la scène... On rallume la salle. Le pseudo directeur du théâtre accueille chaleureusement le public et tient à le rassurer : le spectacle ne dure qu’une heure et sera entrecoupé par un entracte, occasion de déguster les spécialités du Varia... Enfin ! Le rideau se lève. Sur un diaporama géant. Vêtus de peaux de bêtes, les comédiens illustrent l’évolution de l’homo erectus à l’homo sapiens. Celui-ci doit sa supériorité à sa capacité d’inventer des fictions, des récits fédérateurs. Les tremblements de cet homo sapiens, saisi par un froid sibérien, détériorent la bande sonore. Au pied levé, le pseudo directeur se charge de la voix off.

Amusé par ce gag, le spectateur est à l’affût des incidents techniques, des échanges absurdes et des situations farfelues. Il est servi. Un livreur de repas fait irruption dans la grotte préhistorique. "La salle est sous contrôle", hurle un flic exalté. Mise en abîme : le comédien se noie dans le drame qu’il est censé jouer. Manifestement les hommes n’arrivent plus à miser sur l’imagination et à communier dans la fiction. Englués dans la recherche du confort et leurs préoccupations futiles, ils semblent dépassés par les machines. Ainsi cet aspirateur débranché les nargue, en redémarrant tout seul.

La savoureuse parodie du débriefing est jubilatoire et aiguise l’appétit du spectateur. Malheureusement il reste sur sa faim. Plusieurs gags originaux, des mises en garde justifiées, mais aussi un spectacle éclaté qui s’essouffle et se met à patiner. En cause : la faiblesse de la progression dramatique et notre manque d’empathie pour les personnages. Dans "Obsolète", Alice, Marie et Hervé nous ressemblaient. Ils vivaient nos contradictions face à la crise écologique et aux dérives de la société de consommation. Dans "Rater mieux, rater encore" (2019), ils nous faisaient rire par leur humour noir et nous touchaient. Leurs maladresses de clowns tristes reflétaient nos faiblesses. En jouant "Juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur", ils sont successivement des comédiens piégés, des primates caricaturaux et des acteurs/ auteurs flottant entre jeu et réalité. Ils stimulent notre esprit critique, mais n’éveillent pas d’émotions.

Jean Campion

Photo : Olivier Donnet

Théâtre Varia