Des hommes endormis

Ixelles | Théâtre | Le Rideau

Dates
Du 22 septembre au 10 octobre 2020
Horaires
Tableau des horaires
Rideau de Bruxelles
Rue Goffart, 7 A 1050 Ixelles
Contact
http://www.rideaudebruxelles.be
contact@rideaudebruxelles.be
+32 2 737 16 00

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Des hommes endormis

Hambourg, de nos jours. Julia et Paul, la cinquantaine, forment un couple sans enfant. Elle travaille dans le domaine de l’art contemporain, lui est producteur de dance music. En pleine nuit, deux jeunes gens débarquent dans leur appartement : Josefine, assistante de Julia, et son compagnon Tilman.

Assistanat à la mise en scène : Jerry Henning
Assistanat stagiaire : Geoffrey Tiquet
Scénographie : Didier Payen
Lumière : Laurent Kaye
Création sonore : Raymond Delepierre
Coiffure et maquillage : Serge Bellot
Chorégraphie : Clément Thirion
Régie lumière : Gauthier Minne
Régie : Stanislas Drouart
Régie son : Nicolas Stroïnovsky
Habillage : Nina Juncker

L’Arche est l’éditeur et l’agent théâtral du texte représenté : www.arche-editeur.com
Production Rideau de Bruxelles, La Coop asbl.
Avec la participation du Centre des Arts scéniques (CAS).
Avec le soutien de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.

Petit à petit, le climat se fait électrique. Les corps se délient, se défient. D’étranges rapports de force se nouent et se dénouent…

Tendus au cordeau, les dialogues virtuoses de Crimp interrogent avec un humour décapant notre rapport aux questions de genre, de générations, de procréation… Comme une danse endiablée au bord du précipice.

Distribution

Avec : Anne-Claire, Serge Demoulin, Mikael Di Marzo et Pauline Serneels
Écriture : Martin Crimp / Texte français : Alice Zeniter / Mise en scène : Michael Delaunoy

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Mardi 29 septembre 2020, par Jean Campion

Des Affrontements musclés

Dans la préface de l’édition anglaise de "Des Hommes endormis", Martin Crimp avoue : "J’ai volé deux matériaux : un tableau d’une peintre autrichienne, Maria Lessing, intitulé "Schafende Männer" (Des Hommes endormis) et "Qui a peur de Virginia Woolf ?". Effectivement, comme dans la pièce d’Edward Albee, un couple de cinquantenaires, intellectuels aisés, reçoit un couple plus jeune, à deux heures du matin. Pourquoi ce rendez-vous à cette heure insolite ? Contrairement à Albee, qui éclaire progressivement le comportement psychologique de ses personnages, Crimp déforme le réel. Il nous plonge dans une violence omniprésente et nous intrigue par d’étranges rapports de force entre des êtres troubles. A nous d’imaginer certaines réponses.

Avec conviction, Julia persuade Paul qu’ils ne se sont jamais vraiment aimés. Un enfant - elle n’en voulait pas - n’aurait rien changé. Paul ne lui tient pas tête. C’est un résigné qui constate : " J’ai découvert qu’à cause d’un problème génétique, je n’avais pas d’âme." L’irruption des invités tonifie l’atmosphère. Joséfine, la jeune assistante de Julia, déborde de vitalité. Elle revit allègrement ses nuits de défonce et d’amour. Défiée par Paul, elle enfile des gants de boxe et lui décoche une droite décisive. Tilman, son compagnon, se tenant à l’écart, elle met en valeur son esprit créatif et ses qualités de manager. Lui se considère comme "une vraie merde".

Au milieu des amabilités de circonstance surgissent des propos choquants. Comme des poussées de fièvre. Par la rigueur de leur jeu, Anne-Claire (Julia), Serge Demoulin (Paul), Pauline Serneels (Joséfine) et Mikael Di Marco (Tilman) rendent naturelle l’absence totale d’empathie. Ils ne semblent pas conscients de l’incongruité de leurs interventions glaçantes. Le dispositif scénique, utilisé par le metteur en scène Michaël Delaunoy nous incite à les observer à distance. Comme dans un laboratoire. Répartis sur les quatre côtés d’un plateau en creux, les spectateurs surplombent une curieuse cuisine, transformée en ring. Les protagonistes s’y affrontent sous une grappe de sacs de frappe.

Dans une alternance de répliques courtes, parfois décapantes et de tirades élaborées, ils émettent des avis tranchés et contradictoires sur les rapports de domination, la procréation, l’orientation sexuelle, la transmission, la recherche d’identité, etc... Un thème plus développé : les effets dévastateurs de l’obsession du profit. Paul était un pianiste classique. Il a renoncé à son art, pour gagner beaucoup d’argent, en produisant de la dance music. Historienne d’art, Julia veut défendre des représentants de "l’activisme viennois", mais finit par se soumettre aux exigences de Marko, un artiste bankable. Trahison qu’elle s’acharne à imposer à son assistante. La prospérité de son usine de meubles n’empêche pas Tilman de vivre au bord d’un gouffre. Pour oublier le mépris qu’il a de lui-même, il s’enivre et danse jusqu’à l’épuisement.

Martin Crimp aime provoquer le spectateur, en misant sur l’étrangeté. Il préfère suggérer la violence que la rendre explicite. Ainsi dans "Rien à signaler" (Théâtre de Poche, 2013), pièce qui traite de la maltraitance, ce sont les non-dits, les regards, les silences, qui trahissent l’indifférence et la lâcheté. "Des Hommes endormis" est une oeuvre plus déroutante. On s’interroge sur le sort des hommes, sur le lien qui unit désormais les femmes, sur l’avenir de l’enfant que porte Joséfine... Crimp ne nous tient pas la main. Il nous surprend par des pulsions humaines, qui bousculent certaines idées reçues.

Jean Campion

Le Rideau