Femme Non-rééducable Mémorandum Théâtral sur Anna Politkovskaïa

Dinant | Théâtre | Centre Culturel Régional de Dinant

Dates
Du 2 au 3 mars 2020
Horaires
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Centre Culturel Régional de Dinant
r. Grande, 37 5500 Dinant
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Femme Non-rééducable Mémorandum Théâtral sur Anna Politkovskaïa

De Stefano Massini
Traduction : Pietro Pizzuti
Texte publié à L’Arche
Mise en scène : Michel Bernard
Musique : The Social Sanity
Avec Angelo Bison et Andréa Hannecart

Production UNITES/nomade

A travers le parcours et le combat de la journaliste et militante des droits de l’homme assassinée en 2006, la pièce compose une radiographie de la Russie poutinienne malade de ses démons : un spectacle vital et percutant.
"Les ennemis de l’Etat se divisent en deux catégories : ceux qu’on peut ramener à la raison et les incorrigibles. Avec ces derniers, il n’est pas possible de dialoguer, ce qui les rend non-rééducables..." Vladislav Sourkov (circulaire interne, bureau de la Présidence russe, 2005).

C’est sur cette citation que débute cette pièce qui met en scène le parcours et le combat de la journaliste et militante des droits de l’homme, Anna Politkovskaïa, pour faire éclater la vérité sur les combats qui sévissent entre la Russie et la Tchétchénie. Elle en a payé le prix fort : la mort. Cette figure devenue emblématique compose une radiographie de la Russie poutinienne, ivre d’elle-même, malade de ses démons, de son autoritarisme à tout va, de son nationalisme sans borne, mais aussi une radiographie de tout totalitarisme et de l’être humain.

Cette pièce de Stefano Massini (Lehman Trilogy) interroge l’espace de parole, la liberté d’expression, dans un monde qui se dit moderne et civilisé, mais qui tolère des actes de barbarie d’une telle force.
Femme Non-rééducable réveille les consciences en mettant, sans langue de bois, le doigt sur ce qui pose problème en Russie, et par extension dans le monde, et ne trouve toujours pas de solution à ce jour. Un sujet brulant dans l’actualité mouvementée de ces derniers mois, un spectacle vital à la mise en scène sobre mais percutante, emmené par le jeu brillant d’Angelo Bison et Andréa Hannecart.

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6 Messages

  • Femme non rééducable

    Le 16 avril 2016 à 22:03 par Gabriela Goga

    La pièce de théâtre est un hommage à la journaliste russe de grand talent et d’un courage fou, Anna Politkovskaïa, assassinée lâchement en pleine Moscou parce qu’elle dérangeait le régime Poutine. N’importe qui s’intéresse un peu à la politique et aux évènements de l’actualité a entendu parler d’elle. Le dénouement de la pièce n’était donc pas un mystère.
    Ce qui était par contre intéressant de découvrir était la manière dont l’auteur et le metteur en scène allaient montrer ou suggérer la fin tragique de l’héroïne. Je ne vais pas vous la dévoiler, mais vous invite vivement d’aller au Centre culturel de Riches-Claires pour voir le spectacle. Décors minimalistes, mise en scène épurée, mais les deux comédiens remplissent de leur présence l’espace, nous plongent dans l’horreur de la guerre en Tchétchénie, nous prennent par les tripes et nous forcent à garder les yeux et les esprits ouverts devant les exécutions de civils innocents, devant la cruauté des régimes totalitaires, devant l’absurdité de l’histoire contemporaine. Le spectateur en sort abasourdi, silencieux, mais révolté. Merci à "Demandez le programme" pour les deux places offertes !

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  • Femme non rééducable

    Le 18 avril 2016 à 12:50 par Judith

    Un texte très bien écrit, belle mise en scène, décor épurée, des acteurs bien rodées sur scène, une pièce engagée.
    De paroles fortes, des images douloureuses qui racontent l’histoire de cette journaliste qui a eu le courage de ’dire’ lorsque le régime de son pays censurait la presse.

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  • Femme non rééducable

    Le 20 avril 2016 à 16:48 par marc janssens

    Enseignant le français, le théâtre et l’histoire, voilà 2 ans que je harangue mes ouailles mais aussi tous les amateurs de "belle scène" afin que personne ne manque cet incontournable du théâtre contemporain qu’est "Femme non rééducable" !
    La personnalité emblématique d’Anna Politovskaïa ; le texte sublime de Massini ; la mise en scène magistrale de Michel Bernard ; le talent et la subtilité accordés au même diapason des jeux, perfection incarnée, d’Angelo Bison et d’Andréa Hannecart font de ce spectacle un incontournable de la saison. N’y allez pas, courez-y !

    Renversant, émouvant et magistralement subtil, voilà LE moment théâtral de l’année : à ne rater sous aucun prétexte !

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  • Femme non rééducable

    Le 20 avril 2016 à 22:09 par schoumaker

    Des perfusions et encore !Un univers froid et angoissant,une actrice merveilleuse qui interprète Anna Politkovskaia !Bon jeu de l’acteur masculin,mais parfois un peu monocorde !Bref les ennemis de l’état se divisent en deux catégories ;ceux que l’on peut ramener à la raison,et les incorrigibles"Anna a payé de sa vie son intégrité !Spectacle sobre et ACTUEL !

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  • Femme non rééducable

    Le 21 avril 2016 à 02:26 par C. ThéO

    A la mémoire d’Anna Politovskaïa, et des journalistes ’condamné.e.s>assassiné.e.s’ ou ’La transfusion de la vérité..
    ... oui ’ça fait mal’, oui c’est pour un ’mieux’ si on le veut.
    Les 2 comédiens projettent devant nous des images d’horreur, l’inhumanité de notre 20>21ème siècle, rien qu’à la puissance du texte, qu’à la force et la justesse de leur jeu, ’mes’ sobre, délicate pour une déclinaison ’presque supportable’ des atrocités de la guerre de Tchétchénie.
    On en ressort autant ’révolté qu’impuissant’, rénover un système ou le démolir pour reconstruire ???

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Mercredi 20 avril 2016, par Jean Campion

Une femme qui nous éduque

Stefano Massini reconnaît qu’il n’avait jamais entendu parler d’Anna Politkovskaïa, avant le jour de son assassinat, le 7 octobre 2006 : "Inutile de feindre de m’être intéressé à son cas ou à ses reportages dérangeants auparavant." Cette mort l’a incité à se documenter sur les guerres de Tchétchénie et sur la situation de la presse, dans la Russie de Poutine. Pas question que ces recherches nourrissent une biographie édifiante ou un documentaire. Négligeant la linéarité du récit, l’auteur de "Femme non rééducable" nous propose "du matériel brut", une mosaïque d’extraits de reportages, d’interviews et de lettres, publiés par la journaliste de la Novaïa Gazetta. Ce "Mémorandum théâtral" fait entendre la voix d’une femme, qui s’est battue pour la liberté d’expression, dans un pays qui bafoue la notion de démocratie.

Première image : la tête ensanglantée d’un Tchétchène, accrochée à l’oléoduc. Pour l’exemple. Après l’exposition, elle sera recousue sur le cadavre du terroriste. C’est le règlement ! Vivre à Grozny est problématique. La nuit, on essaie de dormir entre deux explosions. Le jour, on est privé de nourriture, d’électricité et d’eau. En trafiquant avec l’armée russe, on peut s’offrir une douche chaude de trois minutes. Interrogé sur sa situation, un soldat de 19 ans se montre serein : grâce aux "fagots humains", il tue trois ou quatre Tchétchènes par jour. Le quota imposé. Son avenir ? Continuer la "pacification". Peut-on devenir président de la république tchétchène à 30 ans ? Oui, si comme Ramdam Kadyrov, on massacre les opposants avec la bénédiction de Moscou. Anna Politkovskaïa n’est pas un juge : "Je me limite à raconter les faits tels qu’ils sont, tels qu’ils se produisent." Cependant, cette journaliste, qui travaille indépendamment du commandement militaire, devient de plus en plus gênante.

Lorsqu’en 2002, une cinquantaine de terroristes tchétchènes prennent en otages les spectateurs du théâtre de la Doubrovska, à Moscou, elle est écartée des négociations. En 2004, un empoisonnement l’empêche de couvrir la prise d’otages, dans l’école de Beslan. "Pourquoi diffusez-vous des mensonges ?" lui demande la police, qui lui fait passer des nuits en taule. Quand, dans une lettre ouverte, des officiers critiquent ses articles, elle les justifie. Crânement. Mais elle s’accuse "d’avoir du sang sur les mains". Des gens, dont elle a publié les témoignages, ont été exécutés. Prendre position, c’est faire preuve d’intelligence. Cependant, comment peut-on choisir entre des terroristes transformant une école en enfer et des militaires déclenchant un assaut chaotique, meurtrier ? Lorsque, d’une voix inquiète, son fils annonce à Anna le meurtre d’une femme qui lui ressemble, dans son propre immeuble, elle ne se fait plus d’illusions. Tôt ou tard... "Il est nécessaire que l’Etat s’emploie à éradiquer de son territoire ces sujets non rééducables" (Vladislav Sourkov, secrétaire de Poutine).

Pas de pathos. L’assassinat d’Anna est décrit avec la froideur d’un télex. L’écriture claire, tendue, sans fioritures de Stefano Massini met en valeur des mots qui font image. La sobriété de la mise en scène de Michel Bernard renforce l’intensité du spectacle. Une scène habillée de plastique, une vingtaine de baxters pendus aux cintres nous plongent dans un univers glacial, où rôde l’effroi. Sans jamais se regarder, les comédiens s’épaulent dans des monologues ou des affrontements. Par son jeu très maîtrisé, Angelo Bison donne à certains mots beaucoup d’impact. Il fait vivre des personnages contrastés : un médecin qui nous guide dans le dernier hôpital de Grozny, à moitié dévasté, un colonel raciste, obsédé par la paie insuffisante de ses soldats ou Anna affolée par son empoisonnement. Incarnant la journaliste, Andréa Hannecart fait sentir sa détermination et sa fragilité. Les doutes se mêlent à la révolte. Pourtant elle est bien décidée à mener jusqu’au bout, un combat juste, mais perdu d’avance. Peut-elle rester indifférente au "long hiver de glace qui s’installe sur la Russie" ?

Ce témoignage poignant d’une authentique résistante nous interpelle par sa sincérité et sa lucidité. Agissant à découvert, Anna Politkovskaïa a dénoncé les turpitudes d’un régime mafieux et sanguinaire. Sans illusions sur les réactions des pays occidentaux : ils n’ont aucune envie de tendre la main à son peuple opprimé. Depuis 2006, ils observent la montée en puissance de Poutine sur la scène internationale. Ses manoeuvres suspectes en Ukraine ou en Syrie inquiètent. Mais on se tait. "Femme non rééducable" troue ce silence.

Jean Campion

Centre Culturel Régional de Dinant